LA VIE AU TEMPS DU CORONA
(En écho à « L’amour au temps du choléra » de Gabriel Garcia Marquez. J’ai osé !!)
Il était tôt ce matin lorsque je suis sortie dans mon jardin. Les chants des oiseaux emplissaient l’air. Les forsythias offraient leur éclat d’or à la brise qui les balançait doucement. Je suis restée là, sans bouger, en me pénétrant de cet instant, de cette parcelled’éternité, de ce frémissement qui monte en soi quand on est face à la beauté.
La beauté : la beauté d’un arbre que l’hiver a dépouillé et qui garde toute sa dignité dans ses branches tordues, la beauté des grains de sable que le vent du désert soulève, la beauté des choses, des mots. Oui, les mots ont une vie à eux seuls. Ils l’enferment dans les sons, leur musique à eux. Le mot « splendeur » par exemple, garde tout son éclat quand on le prononce. Et les mots qui a eux seuls contiennent tout un monde : Samarkand, Saqqarah, Babylone …
Hier j’ai regardé une émission qui nous invitait à parcourir la route de la soie. La soie, c’est si léger, si doux à prononcer … On y voyait Bukhara, une très vieille ville, fondée sur une oasis. Sur une place un vieil homme assis avec son jeu d’échecs ouvert, attendait peut-être que quelqu’un s’arrête pour faire une partie avec lui. Il avait l’air d’avoir tout son temps, rien ne pressait. L’attente et l’offre, l’offre d’un moment partagé. Savons-nous attendre, laisser le temps s’installer dans nos vies, alors que nous avons toujours une multitude d’idées dans la tête ? Lui était là, faisant presque corps avec cet instant où le temps est suspendu …
La beauté des êtres, elle est souvent là et nous ne l’appréhendons que dans des moments d’intensité. Tous ces professionnels de la santé sont des exemples de beauté, de bonté, d’amour, tout simplement. La beauté de l’âme existe et c’est merveilleux de la voir s’exprimer au cours de cette période si dure pour notre pays et le monde qui nous entoure.
Un petit vent froid s’est mis à souffler. L’instant que je venais de vivre s’en est allé. Je suis rentrée et je n’ai pas voulu allumer mon ordinateur pour avoir les dernières nouvelles de cette affreuse pandémie. J’avais besoin de silence. J’ai voulu gardé un peu de ce merveilleux moment. J’ai attendu, comme ce vieil homme joueur d’échecs.
M.Christine Houzé
Membre de DLF Lot
Mars 2020
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Se recentrer sur soi pour mieux partager
Les jours tristes s’abattent comme un orage sans fin
Il n’y a plus d’heures, plus de jours, plus de temps,
Tout semble s’arrêter, se dégrader, se désunir,
Devant la folie inavouable d’une poignée d’hommes.
Alors que la nature respire face à la main assassine,
Il faut se nourrir d’espoir, de regards bienfaiteurs,
De sourires confinés derrière les murs en béton
De silences esseulés qui rêvent d’essentiel
De partages éphémères qui soulèvent les coeurs
Et de gestes salvateurs sur nos chairs déchirées.
Demain, chacun se lèvera sur un jour nouveau
Qu’il faudra imaginer, s’inventer, se créer,
Pour qu’à jamais, ces cendres peut-être utiles,
Ne reviennent hanter ces messages d’horreur.
Je repense au moindre bonheur à intensifier,
Ce partage incessant qui brûle au fond des yeux,
Cette plume magique dans la profondeur des mots
Cette armée de douceur qui doit unir nos âmes
Les bienfaits de Bacchus qui réjouissent nos corps
Dans cette convivialité qui se doit de survivre.
Je voudrais voir le meilleur, avant le chaos final,
Avant de fermer les yeux devant l’oiseau serein,
Croire que notre civilisation n’est pas faite que de larmes,
De barbaries destructrices, de mains ensanglantées,
Mais de regards plus sains, portés sur l’autre monde,
De courages humanistes qui rassemblent les êtres
Pour vivre avec raison, comme le soulignent nos anges.
Et sur notre chemin, respecter nos missions,
Celles que nous avons promises hier, pour construire l’existence
Et pour mériter ce jour, de rejoindre la Terre.
©Sandrine Mage
Loubressac, le 27 mars 2020
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Enivrez-vous
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : «Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise».
Charles Baudelaire
Poème choisi par Edith Branche
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Les mains des hommes
Dans un entretien accordé à une journaliste, il y a déjà quelques années, Mathieu Ricard, moine bouddhiste, docteur en génétique cellulaire et photographe, avait eu ces mots : On a beaucoup utilisé l’expression « banalité du mal » mais si l’on parlait plutôt de « banalité du bien » ?
Oui, je veux croire que nous entrerons dans une ère de « banalité du bien ». Est-ce que le confinement dans lequel nous vivons actuellement tendrait à nous faire penser que le bien peut s’installer à travers nos comportements ?
Oui. Lorsque l’on voit les mains gantées du personnel de santé, des mains qui soignent, des mains qui réconfortent, oui, j’y crois. Les mains des hommes sont faites pour s’ouvrir, donner et recevoir. Ce sont elles qui ont sculpté dans la pierre les merveilles de nos cathédrales et de nos plus humbles églises romanes. Ce sont les mains des potiers qui savent, à partir de l’argile, la chair de la terre, donner vie à des formes, depuis les amphores de l’Antiquité jusque dans les formes les plus sophistiquées. Ce sont elles qui donnent corps aux mots, aux dessins, aux hiéroglyphes de l’Egypte ancienne, ce sont elles qui avec de simples pinceaux et des couleurs nous ont donné les trésors de la peinture, ce sont elles qui savent guider violons et contrebasses de l’orchestre, ce sont elles qui recueillent l’oiseau blessé tombé du nid, ce sont elles qui se joignent pour une prière, ce sont elles que l’on tend pour accueillir celui qui franchit la porte de notre maison.
Oui, les mains des hommes sont de merveilleuses offrandes. Bien sûr, elles ne sont pas toujours pures, elles ont été souvent les instruments de « la banalité du mal ». Mais dans ce temps de tourmentes, de turbulences et d’incertitudes, je veux croire à la bonté, à la beauté, à la générosité car ce sont ces forces qui nous feront avancer et qui garderont notre conscience en éveil.
Pourrons-nous dire que nous gardons nos mains ouvertes pour des lendemains plus prometteurs et plus sereins ?
M.Christine Houzé
30 mars 2020
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Le ciel est, par-dessus...
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
Paul Verlaine
Poème choisi par Béatrice Quillerou
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Dame Nature
Dame Nature s’est mise en guerre ,
Trop malmenée Trop abîmée
Elle a besoin de s’reposer
Contre les hommes elle s’est dressée
Eux qui l’ont tellement bafouée
Eux qui ne l’ont pas respectée!!
Du temps elle leur en a laissé
Des menaces elle leur a lancé
Mais ils n’ont pas voulu changer
Alors plus fort elle a frappé
Alors plus fort elle a frappé
La météo s’est dégradée
Les inondations nous ont noyés
Les volcans se sont réveillés
Les cyclones se sont déchaînés
Les hommes sont dév’nus enragés
Entre eux se sont entre-tués
Alors plus fort elle a frappé
Alors plus fort elle a frappé
Un virus nous a envoyé
Mais toujours nous on s’est moqué
De petite grippe on l’a traité
Mais il s’est mis à nous tuer
Seulement alors on a flippé
Seulement alors on a flippé
Chez nous, restons bien confinés
Si la vie on veut protéger
Si la famille on veut garder
Et nos amis les préserver
Du corona faut s’protéger
Et ceux qu’on aime les mériter
Nous devons rester confinés
Laisser la terre nous pardonner
Laisser la terre nous pardonner
Danièle Kopilkoff
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Entretiens
Entretien avec Michel Peyramaure (1922-2023)
Propos recueillis par Gilles Fau (février 2012). Lire le texte
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